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LA VOIX DES OMBRES
31 janvier 2009

AGATHOCLES - Grind is Protest

agx_grindisprotest_cover

Par JB

Le Belge AGATHOCLES n’est pas un nom inconnu dans l’underground, loin de là. Ce n’est pas non plus un nouveau venu dans un milieu moribond et surpeuplé. En effet, AGATHOCLES joue depuis 1985. Personnellement, je n’étais pas né en 1985. Un rapide calcul vous dit que, bigre, ça fait 23 ans. 23 ans de Mincecore radical, bruyant et engagé, un nombre ahurissant de sorties (dans les 150 à ce jour), notamment une tripotée de split 7’’ avec une pléthore de noms plus ou moins connus. AGATHOCLES est dirigé par Jan Frederickx, qui en est le seul membre stable; d’ailleurs, une fois de plus, le groupe a changé de bassiste suite au décès volontaire (dirais-je) de Tony en août dernier. RIP.

Collectionner du AGATHOCLES n’est pas une mince affaire ; il faut se tenir au courant des sorties, les trouver, et enfin, disposer d’une pièce vide pour entreposer tout ça. Je n’ai pas ce problème, je n’ai qu’une paire de splits LP et de cassettes, et depuis peu, ce dernier album  Grind is Protest que Jan m’a envoyé ! Ce que j’avais précédemment écouté du groupe me promettait un bon Grindcore old school, avec des morceaux de Hardcore Punk et de Death Metal, le tout servi par une production chaude, avec 30 morceaux pour 15 minutes, histoire de nourrir les clichés.

Pour ce qui est du nombre de morceaux, je n’ai pas été déçu (40 chansons pour 35 minutes, des très courtes et des juste courtes), en revanche, Grind is Protest porte bien son nom. C’est du Grindcore sans fioritures, qui ne fait pas vraiment dans la dentelle, et qui surtout, ne va pas trop te laisser reprendre ton souffle. La formule est connue : guitares grasses, basse inintelligible, blast beats, et vocaux alternés. Le son est dégueulasse, digne d’une demo, d’un squat minable, mais n’en reste pas moins honnête. Ca sent le soufre mais c’est sincère. Écouter cet album d’AGATHOCLES, c’est comme manger un bon pâté de campagne sur une baguette tradition : on a vu plus raffiné, mais c’est très bon quand même. Le mix est assuré de façon assez bancale, ce qui sonne assez bizarrement au casque, la production est déséquilibrée. Bon, foin de ces considérations pédalistiques.

Du Mincecore, en veux-tu en voilà : les grattes sont chaudes, grasses, peu originales, mais font leur job, celui d’assommer l’auditeur sous une avalanche de riffs, mélange de vieux grind, de vieux punk, et même de vieux Death Metal suédois, ce qui donne, mine de rien, une petite atmosphère menaçante, voire macabre. AGATHOCLES n’est pas là pour rire. Tony (RIP), dont cet album est son dernier travail à la basse, ne rit pas non plus. La basse ressemble une veille scie rouillée en train de découper des bouts d’intestin grêle. Vomitif, mais efficace, ça en fout partout. Nils, à la batterie, n’a pas été choisi pour sa technique, c’est le moins qu’on puisse dire, cependant, il garde le tempo (rapide) à coup de blast beats, de d-beat, et même de double pédale. Ca sonne très amateur, mais encore une fois, tellement « vrai », honnête. Enfin, on a droit à une paire de vocaux, des cris aigus de cochons qu’on étrangle, couplés à un grognement bourru de brute belge nourrie à la bière d’Abbaye, et surprise, ça marche ! Alors, par contre, pas la peine d’espérer comprendre les paroles avec leur accent, mais que voulez-vous… Grognez en chœur.

Les paroles, ou l’aspect idéologique d’AGATHOCLES, parlons-en. Autoproclamé « gauchiste », fortement engagé, résolument punk, underground et diy, forcément, ça devait transpirer un poil dans les paroles. Celles-ci varient dans les registres suivants : gauchisme, lutte anticapitaliste, anti-homophobie, anti-racisme, anti-taxe, antitane, etc… Donc, dans l’ordre, ça parle de grind, de frustration, de foie gras (bon, ok, c’est horrible le procédé… mais je ne suis qu’un estomac sur pattes, désolé), de consommation, de blaireaux machos qui se pintent la ruche. Y a un texte assez marrant sur le porngrind, bien écrit, haineux mais avec humour. L’humour retombe avec une chanson comme quoi il faudrait ouvrir les frontières. Et rebelote, les HLM, les flingues, la contradiction qui réside dans l’Occident soi disant « riche ». Jan est très prolixe ! Et il sait se renouveler ; il n’aime pas non plus les bureaucrates, le libéralisme économique, les sonneries de téléphone à la con (+1 pour lui), les taxes et autres factures ; là, de gauche, comme de droite, comme de Groenland, tous seront d’accord. Bon, on approche de la fin, mais la pression ne retombe pas : anti-religion, anti-metal/grind de macho (dixit le sieur Jan), ah ! un texte sur la pollution, et un autre sur la (dés)information. Dans AGATHOCLES, ils aiment sans doute le metal, mais ils n’aiment pas les « horns up » ; et comme je les comprends… Le texte « Horns up – fuck off » est hilarant. « Horns down… and stay down ».

Pour faire un peu le tri : Jan est conscient, mais ses textes dénotent un peu de naïveté ; son principal défaut (comme celui des humaniste, philanthropes et socialistes – pas de sens politique) est celui d’avoir confiance en l’être humain, d’avoir foi en ses capacités de faire quelque chose de mieux que ce qu’on a maintenant, et honnêtement… c’est pas possible. Remplacer un chef d’état, changer de système, ça ne marche pas. Dites moi que je suis un abruti, mais le problème de fond, c’est l’Homme. Dans une des dernières chansons, « Solution or Prob », Jan fait montre d’incohérence ; en clair, il dit qu’il ne voit qu’en noir et blanc, et que « si t’es pas avec nous, t’es contre nous », et c’est dommage. Jan ne m’a pas frappé comme étant quelqu’un de fanatique, ou même d’intellectuellement faible, loin de là. Je ne suis pas sûr que, pour lutter contre le système, il faille nécessairement être d’ultra gauche.

Quoiqu’il en soit, AGATHOCLES est loin de faire partie d’une horde anonyme et décérébrée, rendons à César ce qui est à eux (ah non c’est pas ça ?). Grind is Protest, sans être un monument, est un bon album de grindcore, haineux, à contre-courant, pas trop original, mais qui envoie la sauce. Et puis, c’est bien de voir cet album sorti professionnellement sur Displeased Records ; du AxGx pro ne fait pas mal ! Pour la prochaine fois, j’espère une production un poil moins dégueulasse, et qu’ils fassent un peu la part des choses… entre noir et blanc, il y a une grande plaine de gris.

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